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Oct

2014

La maladie de Lyme à Une pilule une petite granule

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Le dossier de la semaine du 2 octobre 2014 de l’émission Une pilule une petite granule était consacré entièrement à la maladie de Lyme. Voici le lien pour visionner le reportage sur le site de l’émission: Maladie de Lyme : traverser la frontière pour se faire soigner.

Voici, ci-dessous, le texte qui accompagnait le reportage vidéo.

La maladie de Lyme est en pleine expansion au Québec : entre 2011 et 2013, le nombre de cas de personnes infectées est passé de 38 à 141, ce qui représente une augmentation considérable. Les experts que nous avons contactés considèrent même que ce nombre est probablement bien en deçà du nombre réel, car plusieurs cas ne sont pas rapportés, étant donné qu’il s’agit d’une maladie émergente – du fait que la tique responsable de la transmission de la maladie n’est présente au Québec que depuis quelques années.

Si elle est diagnostiquée à temps, la maladie de Lyme se traite assez facilement par antibiotiques. Mais si la personne infectée n’est pas traitée, la maladie se répand dans l’organisme et peut affecter le cœur, le système nerveux et les articulations. La maladie devient alors difficile à éradiquer, même avec un traitement médical. C’est ce qui amène certaines personnes à parler d’une forme chronique de la maladie de Lyme. Et pour l’instant, les Québécois qui sont aux prises avec cette forme chronique de la maladie se sentent incompris du système médical qui a bien peu de solutions à leur offrir.

Découragés de se retrouver aux prises avec une condition médicale qui leur semble sans issue, un nombre croissant de patients québécois se tournent maintenant vers les États-Unis où certains médecins soutiennent pouvoir traiter cette forme chronique de la maladie avec un cocktail d’antibiotiques. Il s’agit toutefois d’une approche qui suscite beaucoup de controverse dans la communauté médicale, comme l’a constaté notre équipe lors du tournage de ce reportage.

Mélanie Vachon est convaincue qu’elle a contracté la maladie de Lyme il y a une dizaine d’années dans les Laurentides. Vétérinaire de formation, elle croit avoir été piquée par une tique alors qu’elle traitait un chien. Dans les 6 mois qui ont suivi cette piqûre, elle a développé toute une gamme de symptômes. Certains s’apparentaient au syndrome des jambes sans repos, mais elle souffrait également de troubles neurologiques, de douleurs arthritiques et d’idées suicidaires. Sa condition a continué de s’aggraver jusqu’à ce qu’elle perde l’usage de ses jambes en 2013 et qu’elle doive se résigner à se déplacer en fauteuil roulant.

Malgré la gravité de sa condition, Mélanie ne se sentait pas comprise du système médical québécois puisque personne ne réussissait à identifier la cause de tous ses maux. « Tout ce qu’on m’offrait, c’est des antidépresseurs, raconte-t-elle. Et la journée où je me suis dit, “OK je suis seule au monde et c’est moi qui me prends en charge” c’est quand j’ai vu mon médecin interne écrire : “Je doute que nous trouvions une quelconque pathologie chez cette patiente”. J’étais rendue presque en fauteuil roulant, mes jambes ne marchaient plus bien, mes bras non plus. Quand j’ai vu ça, je me suis dit : “OK, c’est beau, là je suis toute seule. Il n’y a plus personne d’autre qui peut m’aider ici” ».

Parvenue à cette étape, et sous la recommandation d’une autre personne atteinte par la même maladie, Mélanie a pris la décision de se tourner vers les traitements offerts par la Dre Maureen McShane, aux États-Unis.

À sa clinique de Plattsburgh dans l’État de New York, la Dre McShane traite uniquement des patients atteints de la forme dite « chronique » de la maladie de Lyme. Fait étonnant : 90 % de ses patients sont Canadiens, dont le quart proviennent du Québec.

Selon la Dre McShane, cette situation s’explique par le fait que ces malades ne réussissent pas à se faire diagnostiquer et soigner adéquatement au Québec : « La maladie de Lyme chronique n’est pas traitée au Québec. Même la forme aiguë n’est parfois pas reconnue, c’est pourquoi les Québécois vont se faire traiter aux États-Unis par des médecins qui reconnaissent la forme chronique de la maladie. [Au Québec,] on ne reconnaît pas qu’il y a une constellation de symptômes différents, ce qui donne lieu à des diagnostics erronés de fatigue chronique, de sclérose en plaques ou de fibromyalgie et à des traitements inadéquats. Ils sont donc mieux servis aux États-Unis, car la maladie n’est pas reconnue chez eux. »

Microbiologiste-infectiologue à l’Hôtel-Dieu, au CHUM, le Dr Denis Phaneuf reconnaît que la maladie de Lyme n’est pas encore très bien connue dans la communauté médicale québécoise. Cette situation s’explique selon lui par le fait que la maladie de Lyme n’est pas encore enseignée dans les écoles de médecine, du fait qu’elle n’est présente ici que depuis quelques années seulement. Et même si la Direction de la santé publique a récemment commencé à en parler officiellement, tout spécialement pour la région de la Montérégie, il n’en demeure pas moins que les médecins québécois ne sont pas encore habitués à reconnaître les symptômes de cette nouvelle maladie.

Un diagnostic difficile à établir

Si la maladie de Lyme est si difficile à diagnostiquer, c’est qu’elle se manifeste sous une variété de symptômes. Autre difficulté : les tests de laboratoire sont souvent impuissants à la détecter dans les semaines qui suivent l’infection, alors que c’est justement la période où les traitements sont les plus efficaces.

La détection de la maladie par des tests de laboratoire n’est d’ailleurs pas facile aux stades plus avancés de la maladie non plus, explique la Dre McShane : « Les résultats d’examen des gens qui viennent me voir n’indiquent pas nécessairement la présence de la maladie de Lyme, mais environ 90 % de ces patients répondent bien au traitement. »

Pour les personnes malades comme Mélanie Vachon, il s’agit d’une situation bien difficile à supporter puisqu’il leur est impossible d’avoir une confirmation de leur condition de santé. « Du jour au lendemain, tu n’as plus le contrôle de ta vie, explique Mélanie, tu n’as plus le contrôle de ton corps. Ça ne paraît dans aucun test, ça ne paraît pas non plus quand tu le dis. Le médecin ne peut pas vérifier : tout est normal mais toi tu le sais que dans ton corps ça va très mal et pourtant, même si tu sens que tu as des symptômes psychologiques, même si tu sens que tu perds de la mémoire, tu le sais que ce que tu ressens existe. Mais il n’y a personne pour te croire. Il n’y a pas un médecin qui te croit, parce qu’il ne peut pas vérifier. Je ne peux pas décrire l’angoisse que ça crée : c’est assez pour devenir fou. »

« Honnêtement, c’est un cauchemar, poursuit-elle. Et ça, c’est le pire aspect de la maladie, et de loin. Même dans les pires moments quand j’étais couchée sur le dos sur la morphine, et que j’avais de la difficulté à respirer et que je voulais mourir, c’était moins pire que l’angoisse que je vis à chaque fois que je sors d’un bureau de médecin, encore aujourd’hui. »

Des traitements controversés

Mélanie a heureusement réussi à trouver du support auprès de l’Association québécoise de la maladie de Lyme qui milite pour une meilleure reconnaissance de la maladie de Lyme et pour la mise en place de mesures de prévention. À l’intérieur de ce groupe, un constat fait l’unanimité : la communauté médicale québécoise n’en fait pas assez pour prévenir et traiter la maladie de Lyme. C’est pourquoi plusieurs des personnes que notre équipe y a rencontrées ont eu recours à des traitements aux antibiotiques offerts par des médecins américains.

Pour le Dr Phaneuf, il est toutefois loin d’être clair que les traitements offerts aux États-Unis sont efficaces et sans danger pour traiter la maladie de Lyme. Il s’oppose tout spécialement au fait que ces traitements soient offerts sur une longue période, pendant plusieurs mois, ce qui peut représenter un danger pour la santé des patients. “Il est possible que dans quelques années on ait des preuves qu’un traitement de 2 mois fonctionne très bien, reconnaît-il. C’est possible, mais on n’a pas cette preuve et on est loin de l’avoir.”

Ces traitements ne font pas non plus l’unanimité de l’autre côté de la frontière, comme nous l’explique la Dre McShane : “Le problème, c’est que les médecins sont divisés en deux camps aux États-Unis. La Infectious Diseases Society of America affirme que la maladie s’attrape difficilement, qu’elle est facile à guérir, qu’il ne faut la traiter que durant une courte période et qu’il faut arrêter les traitements même si le patient présente encore des symptômes. Et dans le cas de la maladie chronique, le traitement serait d’un mois maximum. Selon l’International Lyme and Associated Diseases Society (ILADS), dont je fais partie, la maladie s’attrape assez facilement et est difficile à guérir.
Comme le sujet est controversé, les principales revues médicales américaines ne publient pas d’articles sur les façons éprouvées de guérir la maladie. Les médecins qui ne participent pas au débat ne savent donc pas qu’il existe des traitements autres que ceux habituellement prescrits.”

Un cocktail d’antibiotiques

Il faut savoir que le cocktail d’antibiotiques offert aux personnes atteintes de la forme chronique de la maladie de Lyme est particulièrement difficile à suivre pour les patients. Pour s’y retrouver entre tous les produits qu’elle doit prendre, Mélanie Vachon s’est équipée de deux immenses piluliers, l’un pour les antibiotiques et l’autre pour les suppléments. Elle doit également utiliser une minuterie pour se rappeler du moment où elle doit prendre ses produits.

Vétérinaire de métier, Mélanie connaît bien les antibiotiques et elle reconnaît qu’elle a été surprise au départ de se faire prescrire des classes d’antibiotiques qu’il est habituellement contre-indiqué de combiner ensemble. Mais en désespoir de cause, elle a tout de même décidé de tenter l’expérience, puisqu’on ne lui offrait aucune autre option thérapeutique.

La Dre McShane nous explique que selon les recommandations de l’International Lyme and Associated Diseases Society, il faut traiter la maladie de Lyme avec plusieurs antibiotiques afin de s’attaquer non seulement à la bactérie responsable de la maladie, mais aussi aux autres infections transmises par la tique. Ce traitement doit être maintenu jusqu’à ce que le patient ne présente plus de symptômes pendant 2 ou 3 mois.

L’un des problèmes que pose ce traitement, c’est que pour parvenir à ce stade de guérison, les patients atteints par la maladie depuis plusieurs années doivent consommer ce cocktail de 4-5 antibiotiques sur une très longue période pouvant aller jusqu’à 3 ou 5 ans.

Dans l’état actuel des connaissances, le Dr Phaneuf est catégorique : ce traitement aux antibiotiques étalé sur une aussi longue période n’est soutenu par aucune étude scientifique valide. Pire encore, ils peuvent causer de sérieux problèmes de santé : “De tous les patients qui ont dépassé un mois, moi je n’ai jamais vu d’amélioration après ce temps-là. Le problème, c’est que les patients veulent que les symptômes disparaissent, mais 8 fois sur 10, même avec le meilleur traitement au monde, les symptômes vont persister parce qu’on est rendu dans une chronicité, parce que le mal est déjà fait. La bactérie peut disparaître, mais les symptômes vont persister.”

Il faut également savoir que ce type de traitement est très coûteux. Mélanie Vachon et son conjoint y ont investi plus de 5000 $ en 6 mois. Et pour se préparer aux frais des prochaines années, ils ont réhypothéqué leur maison de 30 000 $.

La stratégie à suivre : traiter le plus vite possible

À l’heure actuelle, à défaut de pouvoir mieux aider les patients atteints par la forme chronique de la maladie, le Dr Phaneuf recommande de cibler un traitement efficace le plus tôt possible. Ce qu’il souhaite, c’est que les médecins soient mieux outillés pour diagnostiquer rapidement la maladie, sans attendre les tests de laboratoire qui seront forcément négatifs dans les premières semaines suivant l’infection.

Au premier stade de la maladie, un traitement antibiotique de 15 jours aura une efficacité de 98-99 %, soutient-il. Au second stade, dans les douze mois suivants, l’efficacité demeure très haute, autour de 95 %. Mais il est clair qu’après cette échéance, au stade tertiaire, l’efficacité des traitements chute à 20 %. Les séquelles neurologiques, arthritiques ou cardiaques engendrées par la maladie ont toutes les chances de demeurer permanentes, même si l’infection elle-même réussit à être éradiquée.

“Le dommage qui a été fait a été fait, conclut-il. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas traiter. Mais actuellement, je n’ai aucune preuve que traiter pendant plus de 3 semaines un mois, ou traiter plus de trois mois donne quoi que ce soit. Si les preuves viennent, nous les prendrons par contre avec plaisir.”

Pour sa part, Mélanie Vachon va continuer à miser sur le traitement offert par la Dre McShane. Tout en reconnaissant qu’elle a parfois des doutes sur l’efficacité du traitement, elle a décidé de jouer le tout pour le tout et de miser sur la guérison.

Le mot de nos animateurs

Au sujet de ces traitements offerts par des médecins américains, il est important de souligner deux choses :

  • Ces traitements ne sont pas reconnus par la communauté médicale et ils ont été largement décriés, notamment dans la prestigieuse revue médicale The Lancet.
  • La communauté de médecins américains qui administrent ce traitement est très hétéroclite. Et il y a parmi ces gens-là, non seulement des gens bien intentionnés, mais aussi des gens dont la licence a été suspendue pour mauvaises pratiques médicales.

Maladie de Lyme 101

  • La maladie est transmise par une tique dont le territoire s’étend de plus en plus au Québec. Elle est maintenant présente en Montérégie, dans le sud-ouest de la Mauricie et du Centre-du-Québec et dans le nord de l’Estrie.
  • Le foyer de transmission de la maladie le plus important au Québec est le mont St-Hilaire.
  • Pour éviter les piqûres de tiques lors de balades en forêt dans les régions à risque, il est recommandé de demeurer dans les sentiers et d’éviter de circuler dans les zones de végétation.
  • Cette tique ne doit pas être considérée comme la cause de la maladie, mais comme un vecteur : elle transmet une bactérie, qui s’appelle borelia, laquelle cause la maladie de Lyme.
  • En guise de prévention, il est recommandé d’inspecter sa peau au retour d’une marche en forêt. Et si vous constatez la présence d’une tique, nul besoin de paniquer : celle-ci doit être présente sur son hôte pendant 3-5 jours pour transmettre la maladie. En la retirant rapidement, on élimine le risque d’infection.
  • Si vous constatez le développement d’une lésion après avoir été piqué par une tique, photographiez rapidement la plaie. Cette photographie sera par la suite très utile au médecin pour établir un diagnostic dans cette phase aiguë de la maladie pendant laquelle les tests de laboratoire ne permettent pas de détecter la présence de la maladie.

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