13
Mai
2018
Réaction officielle de l’AQML au rapport de la CSSS
Le 11 avril dernier, la Commission de la Santé et des Services sociaux de l’Assemblée nationale du Québec publiait son rapport suite aux audiences publiques tenues le 22 mars sur la maladie de Lyme. Suivez ce lien pour lire la réaction officielle de l’AQML au rapport, ou lisez le texte qui suit.
Le dimanche 13 mai 2018
Objet : Réaction officielle de l’Association québécoise de la maladie de Lyme (AQML) au rapport publié par la Commission de la santé et des services sociaux (CSSS) suite à l’étude des pétitions concernant l’instauration et l’application d’un plan d’action relatif à la maladie de Lyme.
1. Rappel des faits chronologiques
Le 7 février 2018, deux pétitions totalisant plus de 9000 signatures ont été déposées à l’Assemblée nationale par le député péquiste de Labelle, Sylvain Pagé. Le 20 février, la CSSS décidait de s’en saisir et le 22 mars avaient lieu les audiences publiques auxquelles étaient invités l’Institut national de la santé publique (INSPQ), le directeur national de la santé publique (DNSP) et le Collège des médecins du Québec. C’est grâce à l’intervention de M. Pagé que l’AQML a également été invitée aux audiences, accompagnée d’une délégation de trois experts, le Pr. Christian Perronne, la Pr. Vett Lloyd et le Dr. Ralph Hawkins. En apprenant que le Pr. Perronne allait être présent, la Commission a décidé de lui accorder à lui seul une heure supplémentaire pour sa présentation. Le Collège des médecins a refusé l’invitation des députés et n’a pas jugé pertinent de se présenter aux audiences. Le 11 avril 2018, le rapport de la CSSS sur les audiences publiques a été publié sur le site de l’Assemblée nationale du Québec (ANQ).
2. Remerciements
Nous saluons sincèrement le travail du député Sylvain Pagé et celui de tous les députés qui ont permis la saisie et l’étude du sujet. Nous avons été touchés par la pertinence de leurs questions et commentaires, ainsi que par l’écoute attentive dont ils ont fait preuve et ce, de la part de tous les partis politiques.
3. Présentation aux audiences publiques
L’AQML a démontré, via les exposés de ses experts invités, que la science médicale actuelle a beaucoup évolué dans la dernière décennie. Pendant que le Collège des médecins s’appuie encore sur les lignes directrices de l’IDSA élaborées, suite à la publication d’études scientifiques datant d’avant 2006, l’Association a fait part aux députés que le Center of Disease Control (CDC) américain retirait en 2017 les dites lignes directrices, puisque jugées obsolètes par l’Institute of Medicine. En maintenant le statut quo, les autorités médicales du Québec persistent à utiliser des tests non fiables, privant ainsi de traitement bon nombre de personnes atteintes. Pourtant, ailleurs dans le monde, de nouveaux protocoles reconnus sont utilisés et les experts invités ont pu en témoigner. L’AQML a aussi présenté les résultats du sondage effectué auprès de ses membres, qui démontrait le piètre état actuel de la prise en charge des personnes atteintes de Lyme au Québec, sans compter toutes les souffrances physiques, psychologiques et financières qui en découlent. Les membres de la CSSS étaient très surpris, voir choqués, de ne jamais avoir entendu parler de tous ces faits auparavant.
4. Les demandes de l’AQML et nos commentaires face au rapport
Première demande de l’AQML : La reconnaissance officielle de la maladie de Lyme chronique et des co-infections comme une affectation grave et un problème urgent de santé publique.
Commentaires : L’Association considère les conclusions et recommandations du rapport de la CSSS comme une avancée vers la reconnaissance officielle de la maladie de Lyme chronique et ses co-infections. Le rapport mentionne que les députés ont fait une prise de conscience majeure sur la gravité de la situation et qu’ils la considèrent maintenant comme un véritable problème de santé publique. De plus, à la lumière des témoignages de nos experts et de toute la littérature scientifique citée dans le mémoire de l’AQML, il ne fait plus de doute pour eux que la maladie de Lyme existe bel et bien au stade chronique. Ils sont convaincus qu’il s’agit d’une réalité observable et vérifiable scientifiquement. Cependant, même si ce rapport annonce une ère de changement, l’AQML réclame la reconnaissance officielle par les autorités médicales de notre province de la maladie de Lyme et co-infections, incluant le stade chronique, comme une maladie grave et parfois invalidante. Ce point essentiel n’est pas acquis et est fondamental afin de mettre un terme à l’errance médicale des personnes atteintes.
Deuxième demande de l’AQML : Une protection légale pour les médecins prodiguant des soins selon des protocoles plus efficaces reconnus mondialement, incluant l’utilisation prioritaire du diagnostic clinique.
Commentaires : Rappelons que les lignes directrices du protocole actuel (IDSA), sur lesquelles se basent les instances médicales québécoises, font l’objet de critiques officielles, de contestations et de poursuites judiciaires à travers le monde, et qu’une dizaine d’états américains ont passé des lois protégeant les médecins qui utilisent l’antibiothérapie de longue durée pour soigner la maladie de Lyme. Sachant très bien que changer les lignes directrices au Québec risque de prendre plusieurs années et qu’actuellement la prescription d’antibiotiques prolongée peut se faire uniquement dans un cadre de recherche, cette demande d’obtenir une protection légale pour les médecins est une priorité majeure pour l’AQML. C’est également une solution temporaire, simple et non-perturbatrice du système médical qui accorderait le libre choix aux médecins de soigner les personnes atteintes et permettrait de développer une expertise. Le professionnel de la santé qui souhaiterait le faire serait en droit de pratiquer, hors des lignes directrices actuelles, sans risque de représailles de la part du Collège des médecins. C’est le moyen le plus efficace que nous voyons afin d’obtenir des résultats concrets et rapides, en terme de prise en charge des personnes souffrantes, et elle suit un modèle déjà utilisé ailleurs. C’est donc avec déception que nous constatons qu’aucune recommandation n’a été retenue à cet effet, malgré la proposition du député Pagé. Cependant, nous accueillons chaleureusement l’initiative du député et infectiologue Dr. Amir Khadir, et celle de tous ses collègues de la CSSS qui vont se joindre à lui, dans l’écriture d’une lettre au Collège des médecins, afin de leur demander « de ne pas embêter les médecins qui, de guerre lasse, devant des patients qui présentent des symptômes d’infection chronique à bas bruit, initieraient des traitements antibiotiques d’épreuve ». L’AQML appuie fermement cette déclaration et souligne qu’en France la situation a déjà évoluée en ce sens.
Troisième demande de l’AQML : L’instauration et l’application d’un plan d’action concret face à la maladie et ses complications, en étroite collaboration avec l’AQML, nos experts et nos membres.
Commentaires : L’INSPQ et le DNSP reconnaissent que le protocole de prise en charge des patients atteints est « perfectible ». Le gouvernement a confié à l’INESSS de revoir le processus diagnostic et thérapeutique en vigueur et celui-ci doit rendre son rapport au printemps 2019. Le compte-rendu de la CSSS mentionne que « Les membres estiment toutefois pertinent que l’AQML soit associée de près aux travaux de l’INESS et que ceux-ci prennent en compte la littérature scientifique mise en exergue par Pr. Perronne et le Dr. Hawkins lors des auditions ». Dans son témoignage le Dr. Hawkins a démontré que le protocole actuel de dépistage en deux volets échappe le deux tiers des personnes infectées, et que d’autres tests disponibles en Europe sont beaucoup plus précis et sensibles. Le Dr. Perronne souligne quand à lui que l’examen clinique est fondamental et puisque nous n’aurons pas dans les prochaines années des sérologies à toute épreuve, la solution pour l’instant est de prôner le traitement d’épreuve, qui est utilisé de façon tout à fait officielle pour bien d’autres maladies infectieuses. D’ailleurs, en France le nouveau protocole national de diagnostic et de soins pour la maladie de Lyme doit être rendu public dans les prochains jours. Les membres de la CSSS ont fortement recommandé aux représentants de la santé publique d’en tenir compte.
Rappelons aussi que notre mémoire comportait 14 pistes de solutions et que le DNSP s’est engagé à les étudier. De plus, il avait aussi pris l’engagement d’entrer en contact avec l’Association, et l’appel se fait toujours attendre. De son côté, le député Pagé a demandé à recevoir un compte-rendu sur l’applicabilité de ces pistes et il a convié le Ministre des finances Carlos Leitao à prévoir de l’argent dans son budget en 2018 afin de livrer des recommandations visant à mettre en place un plan d’action sur la maladie de Lyme. L’AQML souligne qu’il est grandement temps que le Ministère de la Santé, l’INESSS, l’INSPQ, le DNSP et le Collège des médecins s’ouvrent à la science récente sur la maladie de Lyme et mettent de côté le biais institutionnel dont ils font preuve depuis des décennies. Les audiences ont démontré que ces institutions favorisent le statu quo et évitent de prendre la responsabilité de changer concrètement les choses pour les personnes atteintes. Un plan d’action qui ne modifie pas les directives actuelles de dépistage et de traitement dans notre province, jugées désuètes par le CDC américain et faisant l’objet de sévères mises en garde par le CDC européen, ne peut simplement pas être considéré comme acceptable par l’AQML.
5. Commentaires sur les recommandations du rapport
Première recommandation : QUE le ministère de la Santé et des Services sociaux mette sur pied, d’ici l’été 2018, une campagne de sensibilisation publique sur la maladie de Lyme, ses causes, ses symptômes et les moyens de la prévenir. Que la campagne cible particulièrement les populations à risque et que le Ministère fournisse un rapport sur la stratégie de communication déployée à la Commission de la santé et des services sociaux au plus tard le 31 décembre 2018.
Commentaires : L’AQML accueille favorablement cette recommandation mais elle souligne toutefois que la dernière campagne de sensibilisation a véhiculé de la désinformation auprès de la population. À titre d’exemple, il est faux de dire que c’est seulement après 24 heures que la tique accrochée à la peau commence à transmettre des bactéries. Cette donnée n’est pas soutenue par la science, et certaines études scientifiques démontrent que c’est possible au bout de 6 à 8 heures. On mentionne rarement les co-infections et on met trop d’emphase sur l’érythème migrant, qui n’apparait pas dans tous les cas. L’AQML invite les responsables de la santé publique à tenir compte de la littérature scientifique que nous avons présentée lors des audiences publiques pour élaborer le contenu de cette campagne de sensibilisation. De plus, il faut se souvenir que d’ici 2020, 80% de la population du Canada habitera dans une zone où la tique sera établie. Nous suggérons que la santé publique commence à planifier dès maintenant d’autres stratégies de sensibilisation auprès de la population pour les prochaines années. Notons que cette recommandation n’apporte d’aucune aide pour les personnes déjà atteintes et nécessitant des soins immédiat.
Deuxième recommandation : QUE le ministère de la Santé et des Services sociaux, en partenariat avec l’Institut national de santé publique, bonifie, dans les meilleurs délais, le programme de formation des professionnels de la santé sur les formes de la maladie de Lyme, son diagnostic et son traitement.
Commentaires : Le contenu de cette formation a été élaboré avant les audiences publiques, soit avant que les députés reconnaissent qu’il s’agit véritablement d’un urgent problème de santé publique. Tous les médecins devraient maintenant être au fait que les tiques sont partout au Québec et que le risque d’attraper la maladie de Lyme et ses co-infections est très réel. Le DNSP s’est engagé à tenir compte des références scientifiques présentées par l’AQML et ses experts. D’ailleurs, sur l’invitation des députés, le Pr. Perronne avait dit être disponible pour collaborer avec la santé publique du Québec. Si nous comparons l’ensemble de la formation avec la littérature récente, force est de constater que l’ensemble du contenu est à revoir et que les nouvelles données scientifiques en matière de diagnostic et de traitement doivent être ajoutées à cette formation dans les plus brefs délais. Actuellement, celle-ci stipule que les tests à deux volets sont fiables, même si de la recherche doit être faite pour les améliorer, qu’ils respectent les normes du CDC Américain et Européen, que la maladie chronique n’est pas une condition prouvée scientifiquement et que les traitements actuels de courte durée sont toujours efficace pour éradiquer la bactérie. Ces énoncés sont totalement faux, selon des études scientifiques récentes et les témoignages du Dr. Hawkins et du Pr. Perronne à l’Assemblée. Mentionnons que nos membres nous rapportent que plusieurs médecins spécialistes considèrent cette affectation grave du système immunitaire comme une maladie « à la mode » actuellement. Ce genre de préjugé doit cesser et c’est entre autre par le biais d’une formation basée sur les récentes données scientifiques que les médecins seront le mieux formés pour reconnaitre les signes et symptômes de cette maladie surnommée la « grande imitatrice ».
Troisième recommandation : QUE le ministère de la Santé et des Services sociaux informe, annuellement, pour les trois prochaines années, la Commission de la Santé et des Services sociaux et l’Association québécoise de la maladie de Lyme des démarches et des actions qui seront prises suite aux différentes conclusions et recommandations de la Commission, incluant les nouvelles modalités de traitement de la forme chronique de la maladie et le volet recherche, selon les normes prévues par l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux.
Commentaires : L’AQML et ses membres apprécient être désormais informés officiellement des actions qui seront prises par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Cependant, elle ne se contentera pas d’attendre le bilan annuel pour agir et prendre une part active dans ce processus de changement vers de nouvelles lignes directrices. D’ailleurs, les membres de la CSSS ont recommandé à quelques reprises au DNSP et à l’INSPQ la nécessité de travailler en collaboration avec l’AQML, ses membres et ses experts, afin de prendre en considération les années d’expérience de ces cliniciens dans le diagnostic et le traitement de la forme sévère de la maladie, ainsi que toute la nouvelle littérature scientifique et médicale présentée à la Commission. L’AQML, ses membres et ses experts sont maintenant considérés comme des acteurs d’importance dans ce dossier et l’Association entend bien prendre la place qui lui revient dans ce processus de transition vers de nouvelles lignes directrices. Concernant le volet recherche qui est très important, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut investir sérieusement dans ce domaine, et ce dès maintenant. Le récent don de 15 millions d’une fondation privée offert à l’Université McGill pour la recherche sur les maladies infectieuses, pourrait d’ailleurs être un pas important en ce sens. L’AQML demande au DNSP d’intervenir à cet effet afin qu’un projet de recherche pertinent et centré sur les besoins des malades voie le jour via cette opportunité et permette d’étudier sérieusement l’efficacité de l’antibiothérapie prolongée.
6. Conclusion
Dans plusieurs pays du monde, des actions sont prises par les associations de personnes atteintes et la vérité éclate sur le scandale mondial actuel. L’ONU déclare que cela constitue une violation des droits de la personne. En France, la maladie de Lyme est maintenant reconnue comme une maladie professionnelle et le diagnostic clinique est une base acceptée. Aux États-Unis, des poursuites judiciaires sont menées contre les directives actuelles désuètes. En Allemagne, ces lignes directrices sont rejetées depuis une décennie. Au Québec, la discrimination des personnes malades basée sur une sérologie négative et le refus de prodiguer des soins pouvant améliorer grandement la qualité de vie des personnes atteintes est une situation aberrante et des actions concrètes doivent être mises en place en urgence pour prendre en charge tous les patients atteints de la maladie de Lyme et ses co-infections. Le refus des autorités médicales de reconnaitre cette affectation grave du système immunitaire comme une maladie chronique et potentiellement invalidante cause des problèmes très graves, tels que : la difficulté d’avoir accès à des services sociaux, l’isolation et l’incompréhension de l’entourage, l’impossibilité d’avoir accès à du support financier de la part du gouvernement, la nécessité d’aller à l’extérieur de la province pour obtenir une antibiothérapie adaptée et par le fait même, l’obligation de devoir cacher son état sanitaire et son traitement, sans compter le stress de devoir protéger un médecin au Québec qui oserait soigner hors des lignes directrices. Ces éléments peuvent carrément mettre en danger la vie des gens, si elle ne l’est pas déjà, considérant l’ampleur que peut prendre les symptômes. Toute cette controverse entourant la maladie, entraine une détresse incroyable chez les personnes atteintes. La question est de savoir si les autorités médicales et le gouvernement du Québec se décideront définitivement à devenir un chef de file mondial dans la prise en charge des citoyens atteints de la maladie de Lyme ou bien si il se contentera de suivre les décisions prises dans d’autres pays, quitte à laisser souffrir entre temps ses citoyens et ses contribuables.
L’AQML entend poursuivre ses pressions auprès des instances gouvernementales et médicales. Elle n’acceptera pas que les recommandations restent des paroles en l’air et poursuivra avec persévérance sa bataille à cet effet jusqu’à ce que le gouvernement agisse légalement pour protéger les droits fondamentaux de ses citoyens à recevoir des soins de santé adéquats et que les autorités médicales se décident à fournir des soins basés sur les données scientifiques récentes. Lors des auditions publiques, le voile a été levé sur des années de souffrance et de silence vécues par nos membres. Suite au rapport de la CSSS, continuer de parler de charlatanisme, comme quelques médecins l’ont fait dans l’actualité des dernières années, serait un acte de mauvaise foi.
Rappelons qu’actuellement, il est presque impossible pour les personnes atteintes au stade sévère de recevoir des soins dans notre province, entrainant un grand sentiment de désespoir et les amenant à considérer le suicide dans 58% des cas. Le gouvernement ainsi que le ministre de la Santé, l’INSPQ, l’INESSS, le DNSP et le Collège des médecins ont la responsabilité d’agir pour protéger les droits fondamentaux d’accès à des soins de santé et prévenir des drames qui pourraient découler de l’inaction qui perdure au Québec depuis des années. Le ministre Gaétan Barrette, lors de son point de presse du 7 février dernier, a dit : « Et je peux vous dire une chose là, je peux même en prendre l’engagement, ici, que si en quelque part il y avait quelque chose qui était le résultat; un traitement, un diagnostic, une méthode diagnostic qui était le résultat de données probantes… on le regarderait pis on le mettrait en place… ». Nous l’avons pris au sérieux, nous avons amené des experts au Québec, des faits probants, c’est maintenant à lui d’agir pour tenir son engagement.